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La Vie éco : Le mode d'emploi du Parlement suscite de plus en plus des critiques. On parle même de crise de l'acte parlementaire. Quelles en sont les raisons selon vous ?
Driss Lachgar : L'acte parlementaire est régi par la Constitution et par les lois organisationnelles. Je crois que la crise réside dans les procédures de l'acte parlementaire et notamment entre ministres et députés qui sont régies uniquement par les règlements intérieurs des deux Chambres. Il est urgent de la réformer. La Chambre des conseillers a déjà entamé ce travail et un comité se penche sur la révision globale du règlement intérieur dans le but d'alléger la lourdeur des procédures et d'aboutir à une sorte d'harmonisation avec la Chambre des représentants. De même, des groupes parlementaires ont déjà présenté des projets d'amendements dans ce sens.
Et ce droit d'informer ?
La disposition du «droit d'informer» est la meilleure illustration de ces travers. En principe, elle est bien précisée par la Constitution : elle doit d'abord obtenir la majorité absolue au sein de la Chambre des conseillers pour que le président de cette institution puisse l'adresser par écrit au Premier ministre. Ce dernier intervient, par la suite, devant les conseillers pour donner ses réponses. Mais, aujourd'hui, les avertissements sont programmés chaque semaine sur des questions politiques très sensibles sous couvert de l'article 128 du règlement intérieur de la deuxième Chambre et sous l'intitulé de «Droit d'informer». Or, même ceux qui ont conçu cette autre disposition ont limité son emploi aux événements exceptionnels (catastrophes par exemple) qui se sont produits dans un temps très proche.
Dans les faits le ou les mis en cause n'ont même pas le droit de se défendre...
Cet avertissement se transforme en fait en une sorte de procès ; sachant que dans un procès équitable, le juge (qui est dans ce cas l'opinion publique) doit écouter également la réponse de la défense. Le danger du droit d'informer réside également dans le fait que personne ne connait l'objet de l'intervention. Même la présidence n'a pas le droit d'en avoir une idée. Cela veut dire que toutes les procédures constitutionnelles ou organisationnelles mises en place pour maîtriser l'acte parlementaire sont défaillantes vis-à-vis de cette disposition. En plus, les interventions sont diffusées à la télé en direct. Et je vous laisse imaginer l'impact d'une intervention lorsqu'un jour elle évoquerait par exemple une affaire très sensible et stratégique pour le pays. C'est pour cela que cette procédure doit être strictement maîtrisée.
Cette situation ne fausse-t-elle pas les rapports entre les deux Chambres ?
En dotant la deuxième Chambre de cette importante prérogative, je me demande si on ne cherche pas à faire passer à l'opinion publique le message selon lequel cette institution élue de manière indirecte est plus forte que le conseil élu directement. Généralement, et selon les traditions parlementaires universelles, la deuxième Chambre est réservée aux sages alors qu'à l'inverse la première Chambre est connue pour être plus provocatrice. Or, nous sommes aujourd'hui dans la concurrence entre ces Chambres et non pas dans la complémentarité.
Hakim Challot
10-05-2010