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actuel : Vous évoquez souvent l’indépendance de la justice, ce qui n’a pas empêché l’USFP de se solidariser avec Alioua alors que son affaire est devant la justice. Comment expliquez-vous cela ?

Driss Lachgar : C’est faux. Nous ne sommes pas comme le PJD qui est allé manifester devant le tribunal le jour où Jamaâ Moâtassim a été arrêté. Le bureau politique de l’USFP n’a fait que réagir à une plainte de la défense, conduite par Maître Abderrahim Jamai qui n’appartient d’ailleurs pas à l’USFP. La défense a dénoncé plusieurs vices de forme dans le procès, et l’USFP s’est solidarisée avec la défense et non avec M. Alioua pour dénoncer également ces vices qui entachent le procès. Je le réitère : nous n’avons jamais essayé de porter une quelconque atteinte à l’indépendance de la justice.

 

Vous assurez la défense de Khalid Alioua, vous faites également partie de son comité de soutien. N’est-ce pas jouer sur la pression politique dans une affaire qui est entre les mains de la justice ?

Pour ordonner la détention provisoire, le juge doit se baser sur deux éléments : si le prévenu constitue un danger (par exemple, un tueur qui risque de récidiver pendant l’enquête), ou bien s’il craint que l’accusé détruise des preuves ou influe sur des témoins pendant l’enquête. Ce qui n’est pas le cas de M. Alioua. Car durant l’investigation préliminaire menée par la police judiciaire, il avait toute latitude de quitter le Maroc ou encore de contacter librement tous les témoins et autres impliqués dans cette affaire. Et puis, les seuls documents qui constituent le dossier actuellement sont ceux rassemblés par la police judiciaire durant l’enquête préliminaire.

A quoi bon alors maintenir Alioua en détention provisoire ? Pourquoi garder quelqu’un en détention pendant des mois, alors qu’en tout et pour tout, il n’a été interrogé par le juge d’instruction que durant quelques jours ?

 

Les raisons de son maintien en prison seraient-elles extrajudiciaires ?

Je commence d’abord par jeter la lumière sur la situation des détenus dans le cadre des affaires de droit commun, qui n’ont rien à voir avec les considérations politiques. Ceux-ci sont souvent mis en détention provisoire alors qu’ils remplissent toutes les conditions pour subir un simple contrôle judiciaire. Les juges le savent mais ils hésitent souvent ; parce la pratique est tellement courante, qu’ils craignent qu’en poursuivant le prévenu en état de liberté, on puisse penser qu’ils ont touché de l’argent. Voyez-vous à quel point nous en sommes !

 

… Et pour revenir à Khalid Alioua ?

Ecoutez, je crains toujours que la détention provisoire ne se transforme en une arme servant des règlements de comptes politiques. Et je crois que mon inquiétude se justifie par plusieurs instructions en cours. Il faut que la justice soit indépendante et au-dessus de ces considérations. Je ne vous cache pas que j’ai l’impression qu’on a oublié que la moralisation de la vie publique a été l’une des priorités du gouvernement d’alternance. Certains cherchent aujourd’hui à évacuer cette expérience de la mémoire collective des Marocains.

 

Plus de 43% des détenus dans les différentes prisons du Maroc sont en détention provisoire. Quel commentaire faites-vous sur ce chiffre ?

La détention provisoire est une mesure de sûreté qui est pratiquée d’une manière en déphasage complet avec notre époque. Quand l’USFP menait le gouvernement d’alternance, nous avions proposé un amendement du code de la procédure pénal pour éviter l’usage abusif de la détention provisoire. Il s’agit du contrôle judiciaire qui est une mesure qui offre au juge d’instruction une série de garanties pour poursuivre l’accusé en état de liberté, en s’assurant que le prévenu répondra présent à toutes ses convocations.

 

Cet amendement a-t-il été adopté ?

Il est en vigueur depuis longtemps, mais il n’est pas appliqué. En France, par exemple, la Cour de cassation a rendu un arrêt qui dit que le recours à la détention provisoire ne peut se faire que lorsque le juge est certain que le contrôle judiciaire est insuffisant. Ainsi, le choix de la détention provisoire doit être dûment motivé, ce qui est loin d’être le cas au Maroc.

 

Il faudra revoir la loi encore une fois…

C’est sûr. D’ailleurs, la volonté de réforme est expressément manifestée dans le texte de la nouvelle Constitution. Dans son préambule, celle-ci met l’accent sur la valeur sacrée de liberté et de la présomption d’innocence. Malheureusement, le système judiciaire reste à la traîne par rapport à la Constitution. Durant ma carrière d’avocat, j’ai vu des dossiers instruits pendant plus d’une année, alors que les prévenus sont en détention provisoire, sachant que les sanctions des délits en question – au cas où ils sont prouvés – sont inférieures à la durée de détention provisoire. C’est tout bonnement absurde !

http://www.actuel.ma/

Propos recueillis par A.E.A.

Tag(s) : #Actualités
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