Libération : Quelle évaluation faite vous à l'état actuel de l'USFP ?
Driss Lachguar : Grâce à ses cadres et militants, ses initiatives politiques au cours de cette année, ses prises de position et sa force présente dans le paysage politique national, l'USFP a déjoué une machination diabolique qui le visait dans sa propre existence. Comment ? L'USFP a fait l'objet d'un complot lors des préparatifs des élections législatives de septembre 2007 et ce complot s'est poursuivi jusqu'à la formation du gouvernement. Il a pris différentes formes : politique, culturelle et médiatique.
A titre d'exemple, d'aucuns prétendent que l'USFP est le seul parti qui ne connaisse pas de démocratie interne. D'autres détracteurs s'attaquent au parti, l'accusant d'être dirigé par une structure sclérosée qui requiert donc renouvellement et rajeunissement. D'autres encore estiment que l'expérience organisationnelle de l'USFP est des plus négatives. Or, on ne saurait occulter le fait que l'USFP représente la meilleure expérience partisane du paysage politique national. De ce fait, le parti peut être considéré comme un modèle de pratique politique à travers ses discours, son organisation et ses engagements à tous les niveaux.
L’objectif de nos détracteurs était de détourner l'attention, en occultant la crise politique que connaît le pays depuis les élections de septembre 2007. Il semble [selon eux] que la crise, si crise il y a au sein de l'USFP, soit celle de l'appareil organisationnel. Ainsi, au lieu que les usfpéistes s'attaquent aux questions réelles du pays et du parti, il y a eu prédominance de discussions qui sont allées parfois jusqu'à la personnification, sinon à des discussions réduisant le débat aux modes de scrutin. Autrement dit, une vision techniciste de la crise sans permettre aux militants de débattre des questions fondamentales et en particulier, la crise qu'a connue le pays après les élections de septembre 2007.
Quelle était la réaction des militants du parti face à ces contraintes?
Je peux dire que les usfpéistes ont pu dépasser ce contexte. Aujourd'hui, lorsque le champ politique aborde la question du parti, il ne s'attarde plus sur ses dissensions internes mais examine son projet politique en se posant des questions fondamentales : quelle sera la position du parti des Forces populaires après le congrès quant à sa participation ou non au gouvernement ? quel sera son programme de lutte ? quels seront ses alliés ? Cela veut dire que nous avons rétabli la confiance avec la société qui n'est plus aussi friande des mauvaises informations sur le parti que colporte une certaine presse. Les adversaires, les alliés et les sympathisants et l'opinion publique suivent, aujourd'hui, la vie du parti avec une grande objectivité et un grand intérêt. Je suis, donc, optimiste, quant à la situation actuelle du parti et à ses perspectives d'avenir.
Je présume, donc, que le parti a surmonté les obstacles constatés au début du congrès ?
Dire que la première phase du congrès a été marquée par des obstacles ne concorde pas avec l'analyse que nous avons faite à ce sujet. Après tout, la première phase du congrès, même si elle ne nous a pas permis d'achever nos travaux, a eu des conséquences considérables.
L'USFP a adressé un message très fort, à savoir que sa volonté est indépendante en ce qui concerne l'élection de sa direction, que sa décision politique revient à ses militants et que, par conséquent, tous les complots ourdis contre le champ politique national peuvent s'exercer sur les autres partis mais non sur le parti des forces populaires, car l'USFP est un vrai parti politique qui a toujours choisi ses dirigeants par le biais de ses instances.
Je tiens également à préciser que les difficultés et obstacles ne sont pas nés avec la première phase du congrès mais avec le déclenchement même du complot qui a visé le parti dans son existence. Il y a eu les difficultés que nous avons vécues lors de l'élaboration de la loi sur les partis politiques, le code électoral et au cours des élections qui ont été entachées par l'utilisation de l'argent sale et l'achat des voix. Nous les avons aussi vécues à travers la mauvaise gestion des négociations relatives à la formation de la majorité gouvernementale.
Sur quelle base allez-vous présenter votre candidature au poste de premier secrétaire de l'USFP ?
Vous vous rappelez très bien que je n'étais pas candidat lors du premier round du congrès. J'ai reproché, par contre, aux autres candidats leur précipitation puisque le congrès n'avait pas encore tranché sur le mode de scrutin. De ce fait, j'ai été clair en affirmant que l'annonce par telle personne ou telle autre du fait qu'elle était tête de liste constituait un acte prématuré et qu'il fallait attendre les décisions du congrès. Aujourd'hui, également, je me retrouve dans l'obligation de répéter la même chose. Jusqu'à maintenant, il y a eu une décision du conseil national et c'est le congrès qui devra se prononcer sur les modalités de l'élection du premier secrétaire du parti. Je dirai que je suis candidat à la direction collective suivant les règles et les lois internes qui organisent le fonctionnement du parti. Autrement dit, dans le cadre du conseil national qui élit le Bureau politique et par la suite le premier secrétaire du parti. Sans doute, je fais partie d'un projet collectif au sein de l'USFP qui s'est exprimé clairement lors de la première phase du Congrès et qui s'exprimera, sans aucun doute, lors de la seconde phase dans le cadre de ce projet collectif. Je me mets donc à la disposition de ce projet. C'est un projet qui défendra l'identité du parti, son identité historique, son enracinement dans les forces populaires, son idéologie de la gauche et son engagement dans le combat des couches sociales défavorisées.
Y a-t-il une possibilité d'alliance avec le PJD ?
Jusqu'au jour d'aujourd'hui, nos alliances sont avec les composantes de la Koutla et la gauche. C'est d'ailleurs, une traduction des décisions des congrès de l'USFP. Etant en phase d'édification démocratique, il paraît judicieux de ne pas occulter quelques réalités. La Koutla a vu le jour il y a vingt ans. Les jeunes qui ont cru en ses solutions magiques sont, aujourd'hui, des vieux. Notre destin est de travailler avec la gauche. Avec notre référentiel de gauche, on ne peut qu'agir dans l'objectif de réunir les différentes composantes de la gauche dans un grand pôle.
Toutefois, et de manière pragmatique, je me demande s'il n'est pas nécessaire et logique que mes alliances soient fondées sur une contractualisation. Si demain, nous mettons en œuvre une série de programmes pour lesquels nous allons mener des luttes et que ce parti ou un autre y adhère, il ne serait pas judicieux de garder des alliances qui pourraient affaiblir notre combat et nos actions. La future direction est appelée, par conséquent, à institutionnaliser ses alliances. Pour exécuter nos programmes, on doit chercher tout ce qui renforce l'USFP. Pour cela, on doit aussi permettre au parti de choisir ses alliances en fonction de son positionnement à la majorité ou dans l'opposition. Mon projet politique est réaliste et sait comment traiter «le nouveau venu» (allusion au PAM).
Notre pays n'aimerait pas que l'USFP soit une simple statistique électorale. Il a besoin d'un parti fort et enraciné dans les couches sociales pour que la société compte au moins deux références : l'une fondamentaliste (PJD) et l'autre, progressiste, représentée par l'USFP.