La marche du dimanche cherche à conforter Driss Lachgar dans son entreprise de réconcilier le peuple de gauche. Mais le grand absent reste Mohamed Noubir Al Amaoui, secrétaire général de la CDT, pour raison de santé
La fine pluie qui tombait sur Rabat n’a pas découragé les manifestants à participer dimanche à la marche pour les droits et libertés, organisée par les deux syndicats de gauche, la CDT et la FDT. Selon les organisateurs, près de 40.000 manifestants ont défilé sur le boulevard Mohammed V, entre 15 et 20.000 selon les estimations des observateurs. Ils sont venus de toutes les régions du Maroc pour «protester contre le gouvernement, particulièrement sa politique socio-économique et les violations des libertés syndicales». La marche qui a rassemblé une foule désordonnée avait une forte portée politique. Sans grande surprise, l’USFP n’a pas manqué à l’appel. C’est même son nouveau patron, Driss Lachgar qui s’est empressé de féliciter les militants des deux centrales pour leur deuxième pas «unificateur» et «bien réfléchi». Pour lui, «cette sortie était nécessaire, surtout que les conditions de vie ne cessent de se détériorer». D’autres hommes politiques ont été présents comme Habib El Malki et Ahmed Zaidi. Ce qui confirme cette portée politique de la manifestation est la présence parmi les marcheurs de Nabila Mounib, secrétaire général du PSU. Mais le grand absent reste Mohamed Noubir Al Amaoui, secrétaire général de la CDT, pour raison de santé.
Dans le cortège, on pouvait distinguer les diplômés chômeurs qui scandaient des slogans hostiles au gouvernement de Benkirane qui est également dans le collimateur des marcheurs. Le Mouvement du 20 février a également participé à cette marche. Ils ont réclamé la libération de leurs militants incarcérés. Et une fois n’est pas coutume, c’est l’UMT de Rabat et région qui ferme la marche. Pourtant, l’état major du syndicat de Mohamed Mokharik n’a pas appelé à la participation.
Il est incontestable que la marche du dimanche a cherché à réveiller un échiquier politique ankylosé, une opposition dispersée. Le peuple de gauche est sorti pour rappeler la nécessité de serrer les rangs de la grande famille de la gauche. Les manifestants réclamaient «le départ de Benkirane qui dort sur ses lauriers au lieu d’affronter les problèmes», accusant même le chef du gouvernement de ne pas tenir ses promesses».
Les manifestants ont aussi exprimé la difficulté de dialoguer avec l’équipe Benkirane. «Le Chef du gouvernement avait promis, au terme de l’accord du 26 avril 2011, un dialogue tripartite, avec la participation de l’Exécutif, des centrales syndicales et du patronat. Mais il n’a pas tenu son engagement», ont déploré des responsables syndicaux. Driss Lachgar parle même d’un «désengagement de l’Exécutif qui porte atteinte à la liberté et à la dignité humaine».
A côté de cela, la question de la ponction sur les salaires des grévistes qui avait opposé des ministres (Justice et Santé notamment) à plusieurs syndicats a également été remise sur la table. Pour les manifestants, il est inconcevable d’effectuer des prélèvements sans une approbation constitutionnelle. En procédant ainsi, l’équipe Benkirane «bafoue les droits les plus élémentaires et porte atteinte à la dignité des fonctionnaires». On n’a pas lésiné non plus sur les arguments. La non ratification de la Convention internationale relative à la liberté syndicale et l’article 288 du Code pénal qui prévoit une peine d’emprisonnement en cas d’atteinte à la liberté de travail démontrent cette violation. S’y ajoute l’indemnisation pour perte d’emploi qui tarde à voir le jour.
Au delà du politique, se posent également des revendications d’ordre socio-économique. Le pouvoir d’achat qui ne cesse de baisser à cause des hausses successives des prix des produits de première nécessité et l’instauration de nouvelles dispositions fiscales qui appauvrissent davantage la classe moyenne.
Hajar BENEZHA
L'economiste.com - (http://www.leconomiste.com) n° 4000 / 1-4-2013