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L’heure est aux réformes, sachant que le Maroc avait entamé sa mue, sur le plan démocratique s’entend, bien avant ces mouvements constatés à travers plus d’un pays arabe. Driss Lachgar, ministre chargé des Relations avec le Parlement et membre du Bureau politique de l’USFP, parti qui a tant milité pour que le Maroc accède au rang des pays authentiquement démocratiques, n’a pas manqué de le souligner dans son entretien avec la chaîne satellitaire arabe Al Arabiya ».  Direct et franc, sans détour ni fioriture, Driss Lachgar  livre dans cet entretien  son analyse de la situation du pays et la conjoncture politique actuelle. Il  donne son avis sur le Mouvement du 20 février et des mutations qu’a connues ce dernier avec l’infiltration des courants extrémistes de gauche et de droite. Il explique également que le Maroc a toujours connu des mouvements revendicatifs mais reste un cas particulier. C’est pour cela que la contestation dans les pays arabes n’a pas eu le même effet au Maroc où les parties en lutte s’acceptent et vivent en cohabitation. Il va sans dire que le membre du parti de la Rose s’est étalé sur les réformes constitutionnelles, institutionnelles et politiques. Mais également sur les différents chantiers déjà amorcés depuis l’avènement du Roi Mohammed VI. 

Question : Selon certains médias marocains, les autorités marocaines ont adopté une attitude anticipative en occupant d’avance les lieux des manifestations du Mouvement du 20 février. Qu’en pensez-vous ?

Driss Lachgar : J’aimerais préciser au début que le Maroc a connu depuis l’indépendance un mouvement politique et social très fort. L’Histoire du Maroc a souvent connu une lutte entre l’Etat et les forces politiques et sociales du pays. Mais à la différence des expériences dans les autres pays arabes, la partie qui l’emporte dans chaque combat n’exclut jamais l’autre, d’où l’émancipation continuel du champ politique national et le cumul d’expériences à travers les différentes étapes du militantisme qui a conduit vers la fin du règne du Roi Hassan II à la transition démocratique. Celle-ci a commencé à doses homéopathiques avant de connaître une accélération suite au processus démocratique avec l’avènement du Roi Mohammed VI.
Le rythme des mouvements de protestation s’est beaucoup accéléré et a atteint la dernière décennie une moyenne de cent contestation par jour qui ont touché toutes les régions du pays et toutes les catégories sociales. C’est pour cela que le mouvement remarqué dernièrement dans plusieurs pays arabes n’a pas eu le même effet au Maroc où les parties en lutte s’acceptaient et vivaient en cohabitation depuis toujours.

Est-ce que cela veut dire que le gouvernement marocain est à l’écoute du mouvement de la rue et qu’il ne veut pas exclure le Mouvement du 20 février ?

C’est exactement ce qui arrive au Maroc. Et on peut dire que l’Etat et le Roi en particulier ont eu   une attitude positive dans ce sens. Par conséquent, la réponse aux doléances du Mouvement du 20 février ne s’est pas fait attendre. Non  que le mouvement ait imposé cette réponse mais parce que le processus de réformes était déjà en place depuis le Roi Hassan II. Processus qui a encouragé le multipartisme politique et syndical et imposé l’acceptation de l’autre et la cohabitation dans la différence.

Autrement, peut-on dire que le Mouvement du 20 février est un écho à ce qui se passe en Egypte et en Tunisie et par conséquent, c’est un facteur motivant qui met fin au consensus politique en établissant de nouvelles règles ?

Je crois que l’on exagère en analysant le rôle du mouvement dans les réformes politiques. Ce qui est sûr, c’est que le mouvement est un élément complémentaire qui porte une nouvelle vision véhiculée par l’enthousiasme, les rêves et le refus de la jeunesse. Cependant la marche des chantiers des réformes est un choix du peuple, du Roi et des partis politiques qui avait bel et bien commencé depuis le nouveau règne. Chantiers qui  avaient trait à l’économie, au social, au développement.
Il était impératif, après le volet du chantier des droits humains concernant la femme, l’amazighité et la mise à niveau du  champ religieux, de s’atteler à parachever le processus par les réformes institutionnelles et constitutionnelles. Et le Printemps arabe et le Mouvement du 20 février étaient là pour attirer notre attention sur la nécessité d’accélérer ce processus de réformes.

Le Mouvement du 20 février accuse les autorités de recourir à la répression pour la troisième semaine de suite contre les manifestants. Qu’en pensez-vous ?

Il a été constaté, ces derniers jours, l’existence de tendances au sein du Mouvement du 20 février qui cherchent à dévier le mouvement de ses objectifs réformateurs. Lesquels objectifs cherchent à participer au développement  et à l’amélioration de la pratique politique  de la société à travers l’accélération de la cadence des réformes pour instaurer une certaine démocratie plurielle.
Le débat était axé au sein du mouvement sur ceux qui réclament une monarchie parlementaire alors que d’autres souhaitent une monarchie constitutionnelle. Mais malheureusement, on a constaté l’apparition de certaines parties qui veulent détourner le mouvement de ce débat vers un agenda et des buts autres que la démocratie ou la réforme. Ainsi, on s’est trouvé avec de nouveaux discours et pratiques qui appellent à l’effusion de sang et à la haine. Ce qui va à l’encontre même des principes de la démocratie en cherchant à entraver le processus de réformes. Ce courant prône l’ambiguïté  pour dissimuler ses vrais desseins qui vont à l’encontre de toute démocratie ou réforme.

Monsieur le ministre, accusez-vous quelques parties de vouloir transformer un mouvement de protestations en un mouvement qui cherche à bloquer la vie publique en transférant la contestation dans les centres-villes vers les périphéries ?

L’opinion publique sait  que l’agenda de la gauche nihiliste et extrémiste n’a rien à voir avec celle du Mouvement du 20 février. Il en va de même pour les obscurantistes et en particulier les fabulateurs d’entre eux qui occupent des espaces spécifiques mais ne jouissent d’aucune reconnaissance légale ou politique, et n’ont donc aucune relation avec la pratique démocratique ou institutionnelle. Il y a une union sacrée entre l’extrême droite et l’extrême gauche pour faire avorter le projet de réformes, d’où les réserves des acteurs essentiels du Mouvement du 20 février à l’égard de ces tendances.    
 
 L’opinion publique attend avec impatience la nouvelle Constitution ou ce qu’ont qualifié certains journalistes la Constitution de la deuxième Monarchie. Où en est-on aujourd’hui ?

Le projet de la nouvelle Constitution a  été soumis à un  large débat national et la méthodologie suivie par le Maroc n’a pas été la même dans  plusieurs pays qui sont passés  par des expériences de transition démocratique.     Ce qui a barré la route à l’idée du  conseil constitutionnel ou l’instance élue qui, dans le contexte marocain, semble dépassée.
 En contrepartie, le Maroc, grâce à ses universitaires, ses acteurs politiques, de la société civile et des potentialités associatives, a opté pour une autre voie  qui a donné lieu à un débat politique tellement diversifié qu’il y a même eu une sorte d’inflation à ce niveau. Pour l’heure, il faut penser à officialiser ces réformes.

Prévoit-on un agenda, surtout que ces derniers temps on parle d’un agenda référendaire et électoral avant terme ?  Confirmez-vous ces données ?

Ecouter la société est l’élément qui décidera de  l’agenda.  L’agenda institutionnel a été clair en fixant la date des élections en 2012.  Jusqu’à cette date, ce sont les textes de loi relatifs à ces échéances qui seront en vigueur.  La conjoncture actuelle nécessite de prêter l’oreille à la société qui appelle à l’accélération du rythme du changement et des réformes.  Il est devenu indispensable que soient issues de la nouvelle Constitution de nouvelles institutions constitutionnelles.

Certains journaux ont souligné que Mohamed Moatassim, conseiller de SM le Roi et président du Mécanisme politique de suivi,  a avancé que le seuil de la nouvelle Constitution dépasse le contenu du discours du 9 mars  et ce qu’attend l’élite politique. Y a-t-il du nouveau à ce sujet ?
 
Le premier discours du Trône et tous les autres qui ont suivi sur la nouvelle conception de l’autorité et la nécessité des réformes, ont tous confirmé que la volonté Royale a, depuis toujours,  visé une profonde  réforme politique. Aujourd’hui,  tout  le monde est convaincu de cette nécessité.  Vu que ce  document constitutionnel est l’unique document juridique qui nécessite la participation de toutes les composantes de la société notamment celle nihiliste, les portes du débat  ont été  grandes ouvertes et toutes les forces politiques ont, d’une façon ou d’une autre, participé  soit par le refus ou par un ajout. Ceci dit, ce document qui a fait l’objet de ce débat national doit être mis en œuvre.

Peut-on conclure qu’on doit attendre un nouveau Parlement avec de nouvelles élites pour l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, alors  que le Parlement actuel  est très critiqué : absentéisme, loi de Finances approuvée par une poignée d’élus,  faiblesse du pouvoir législatif, etc. ?

A lui seul, le document constitutionnel ne suffit pas. La nouvelle Constitution doit être accompagnée de  profondes réformes politiques à même de répondre aux revendications et demandes de l’opinion publique  exprimées dans la rue et de trouver écho dans les institutions.
Ce qui est demandé aujourd’hui, c’est l’adhésion des jeunes aux nouvelles institutions. Il est inadmissible que cette  catégorie soit exclue du prochain Parlement et de l’action politique. Puisque le but espéré de la réforme ne se limite pas uniquement au changement  de la formulation dans le document constitutionnel sans refléter sur les institutions.  
Les soulèvements qu’a connus le monde arabe confirment qu’à côté des pouvoirs traditionnels, législatif,  exécutif et judicaire, il y a un nouveau pouvoir, c’est celui de l’opinion publique. Un nouveau  pouvoir susceptible de rendre l’opération électorale plus transparente et crédible  et de faire face à la corruption et l’argent sale. Un nouveau pouvoir qui demandera des comptes à  tous ceux qui dénaturent le champ politique  et partisan. Le jour du vote sera de ce fait un jour d’évaluation où il sera question de rendre des comptes.  

Peut-on s’attendre, au cours de la prochaine étape, à un Parlement qui pourrait contrôler l’action du gouvernement ou  le  destituer?

 Le Parlement n’avait pas d’impact sur la vie politique, mais aujourd’hui, tous les mouvements  de protestations se font devant cette institution  pour que leurs voix soient entendues. Ceci a une symbolique,  à savoir que le Parlement a un rôle plus que cela. Toutes les catégories professionnelles veillent, au moment de l’examen d’une loi les concernant, à rencontrer les parlementaires  et les chefs de Groupes, en vue de les convaincre de promulguer une loi  qui répond à leurs attentes.  Il y a donc un changement dans le positionnement de cette institution.  
Ce qui est demandé aujourd’hui, c’est de soutenir  davantage cette institution dans le cadre de la réforme constitutionnelle, la renforcer à travers des mesures d’accompagnement. A commencer par  mettre fin au phénomène de la transhumance politique, via une réglementation stricte et claire, stipulant que sera déchu de son mandat tout parlementaire qui changera de couleur. De même que la dynamique et la présence des élus de la Nation sont en relation avec le pouvoir de l’opinion publique.
Pour tous ceux qui scandent  le slogan « Dégage », je dirais que vous devez le brandir, le jour du « jugement », devant le représentant que vous avez élu et qui n’a pas été digne de la responsabilité qui lui incombait.

 

Mardi 14 Juin 2011

K.M

 

Source :

http://www.libe.ma

Tag(s) : #Actualités
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